Landry NGANG, 19 ans, étudiant en sciences politiques et candidat aux élections européennes. Portrait d’un insoumis qui s’est forgé dès son enfance un mental d’acier. Pour les quartiers populaires, pour le 9-3, le voilà candidat pour représenter les siens aux plus hautes sphères.
Le jeudi, il finit les cours à dix heures. Landry est étudiant en première année de licence en sciences politiques à l’université Paris 13, une université implantée en Seine-Saint-Denis à Villetaneuse.
Par commodité, nous nous voyons au « café de France », un café situé tout près de la basilique de Saint Denis, lieu historique de la ville. Landry est à domicile. Né à Saint Denis de deux parents fonctionnaire, il baigne et grandit dans le milieu du sport dès son plus jeune âge.« A partir de mes six ans j’ai fait trois années de football, je suis passé ensuite au judo et à la natation. J’ai enchainé sur deux années de tennis et cinq années de handball. Mon parcours est chaotique mais j’aimais tous les sports et je voulais en essayer plusieurs ».
« Un jour la CPE est rentrĂ©e dans notre classe et nous a dit «cette annĂ©e il n’y aura pas de voyage. C’est soit le voyage soit le chauffage». Pendant que nous avions le choix entre le chauffage et le voyage, les Ă©lèves du collège JBS eux sont partis au BrĂ©sil »
Dans ce parcours sportif qu’il minimise, Landry a tout de même finit champion de France des moins de dix-huit ans avec le club de handball de Tremblay en France.« Ça a été une étape super importante dans ma construction. J’ai acquis un mental d’acier grâce à ce sport. J’étais quelqu’un d’assez réservé et avec ça je me suis ouvert et aguerri ».
Landry a fait toute sa scolarité dans sa ville natale. Mais s’il y a une période qui a marqué le jeune dionysien à vie, c’est celle du collège.« C’est la première fois que je ressentais qu’on était des citoyens de seconde zone. J’étais au collège Fabien. Pas très loin, il y avait un collège privé qui s’appelait Jean Baptiste de la Salle. En classe de quatrième on avait normalement un voyage à faire en Angleterre. Un jour la CPE est rentrée dans notre classe et nous a dit « cette année il n’y aura pas de voyage. C’est soit le voyage soit le chauffage». Pendant que nous avions le choix entre le chauffage et le voyage, les élèves du collège JBS eux, sont partis au Brésil. Ça m’avait profondément choqué »
« J’ai dû faire une année sabbatique. Durant les premiers mois je ne faisais rien du tout, je me couchais à six heures du matin et je me levais à quinze heures. C’était une période difficile pour moi parce que je me sentais inutile »
Scolarisé au lycée de secteur à Paul Eluard, Landry peut compter sur cette professeure de SVT dont il se rappelle très bien. « J’avais des facilités au lycée. Sans bosser, je pouvais avoir de bonnes notes. Ce n’est qu’en terminale S que les choses se compliquent. Ma méthode ne fonctionnait plus. Heureusement je pouvais compter sur ma prof’ de SVT qui m’a mis au travail et ne m’a pas laissé de côté. Elle m’a apporté une démarche intellectuelle d’analyse que j’utilise jusqu’à aujourd’hui. »
Celui qui s’est mobilisé contre la réforme d’admission post-bac par la suite sait de quoi il parle. Il a lui-même été victime du nouveau système d’affectation des lycéens dans les filières post-bac. « J’avais demandé la filière STAPS, parce que je voulais devenir coach sportif. J’avais demandé des facultés en province pour pouvoir découvrir de nouveaux horizons et continuer à faire ce que j’aime. Malheureusement je n’ai pas été tiré au sort ».
A la rentrée scolaire, comme des milliers de lycéens, il se retrouve sans affectations.« J’ai dû faire une année sabbatique. Durant les premiers mois je ne faisais rien du tout, je me couchais à six heures du matin et je me levais à quinze heures. C’était une période difficile pour moi parce que je me sentais inutile. J’ai quand même travaillé quelques mois dans l’animation pour avoir une activité ».
« Je suis tombé par hasard sur une vidéo de Jean Luc Mélenchon sur internet. En écoutant, je me suis mis à cocher dans ma tête toutes ses propositions. C’était comme une évidence pour moi. Je partageais tout ce qu’il disait »
Dans un parcours militant, il y a toujours ce moment de déclic où l’on est séduit par des idées, des valeurs ou encore un personnage. Ce moment, Landry l’a bien vécu durant la campagne des élections présidentielles alors qu’il est encore au lycée.
« Je suis tombé par hasard sur une vidéo de Jean Luc Mélenchon sur internet. Il était passé dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2. JLM répondait à la question suivante : Quelles seraient les dix mesures que vous porterez si vous êtes élu Président de la République ? En écoutant sa réponse, je me suis mis à cocher dans ma tête toutes ses propositions. C’était comme une évidence pour moi. Je partageais tout ce qu’il disait ».
Landry va alors acheter « l’avenir en commun » le livre-programme porté par le candidat insoumis à la présidentielle. « A partir de ce moment, je me suis intéressé au personnage et au mouvement de la France insoumise. J’ai découvert un mouvement novateur qui proposait de nouvelles manières de faire de la politique. Et j’ai commencé à militer».
« Les gens ne sont pas dĂ©politisĂ©s. Il y a beaucoup d’associations en banlieue et c’est une des manières de faire de la politique. Les gens ne parlent pas le langage des partis politiques mais ils font de la politique sans le savoir »
Landry se rappelle de sa première action militante. Il est retourné avec d’autres « camarades » devant son ancien lycée pour sensibiliser les jeunes autour de la réforme d’admission post-bac « parcours-sup ». A la différence des militants traditionnels qui organisent des tractages devant des points de passage, Landry et ses amis débarquent avec un food-truck qu’ils avaient customisé. Dans un cadre musical et festif, ils ont pu échanger et discuter avec les lycéens à la sortie du lycée de la réforme. « Ça a été une grosse réussite » affirme-t-il fièrement.
En banlieue, là où les chiffres d’abstention pour les différentes échéances électorales sont très élevés, Landry ne perd pas espoir à voir ses idées séduire les habitants.
« Les gens ne sont pas dépolitisés. Il y a beaucoup d’associations en banlieue et c’est une des manières de faire de la politique. Les gens ne parlent pas le langage des partis politiques mais ils font de la politique sans le savoir. Ce qu’il faut faire dans ces quartiers pour mobiliser davantage, c’est aller chercher les gens là où ils sont, et c’est ce qu’on fait avec la France insoumise ».
« On est parti les voir et on leur a dit venez fumer votre chicha avec nous. Au final ces jeunes ont eu des interventions super pertinentes »
Landry se rappelle d’une autre action militante où il est allé chercher les jeunes là où ils étaient sans posture paternaliste ou jugement. « On a fait une réunion publique dans un square avec le député Éric Coquerel. On a posé un barbecue et quarante chaises, et on est parti voir les gens pour leur dire venez parler de ce que vous voulez avec votre député. Au loin il y avait des jeunes qui fumaient leur chicha. On est parti les voir et on leur a dit venez fumer votre chicha avec nous. Au final ces jeunes ont eu des interventions super pertinentes » raconte Landry.
Un parmi ces jeunes soulève un problème crucial, celui de l’emploi. « Je suis étudiant en BTS et je n’arrive pas à trouver un stage. Comment ça se fait qu’il y ait à La Plaine Saint-Denis plein d’entreprises et que je n’arrive pas à trouver de stage ? ». Un autre jeune rebondi en évoquant les violences policières dans les quartiers.
« Toutes ces thématiques on a pu en parler avec des gens qui sont en dehors des cercles politisés traditionnels parce qu’on est parti les chercher là où ils étaient. Il faut amener la politique dans les quartiers » rebondit Landry.
A quelques mois des élections européennes, Landry est optimiste. « Si on arrive à chercher les gens qui ne votent pas, on peut créer la différence ». Il est convaincu que les gens ne votent pas parce qu’ils sont déçus du manque d’intégrité dans la fonction politique et représentative des citoyens. D’ailleurs il n’aspire pas à vivre de la politique.
« Ce sont les militants de Saint-Denis qui m’ont dit un jour « lance-toi ». Après rĂ©flexion je me suis dit qu’on Ă©tait nous les jeunes des quartiers populaires pas reprĂ©sentĂ©. J’y suis allĂ© par devoir »
« Je n’ai pas envie de faire de la politique ma vocation première. J’ai envie de finir mes études et apporter une richesse à la société. Je pense que beaucoup d’élus parce qu’ils vivaient uniquement de la politique, se sont mis dans des situations délicates parce qu’ils étaient prêts à tout pour ne pas perdre leur mandat ».
Mais Landry ne va pas dans cette bataille électorale avec un esprit défaitiste, au contraire. « De l’autre côté, nous les jeunes, on a aussi un devoir. Les jeunes des quartiers ne sont pas du tout représentés dans les institutions. Cette bataille doit être menée également dans ce sens et avec sérieux ».
Cette distance qu’il a par rapport au pouvoir et la quête du pouvoir se fait ressentir même dans le processus de sa candidature pour l’échéance européenne. « Ce sont les militants de Saint-Denis qui m’ont dit un jour « lance-toi ». Après réflexion je me suis dit qu’on était nous les jeunes des quartiers populaires pas représenté. J’y suis allé par devoir. J’ai envoyé un mail au comité électoral de la France Insoumise et j’ai été très bien accueilli par Manuel Bompard et le reste du comité. Ma candidature a ensuite été approuvée ».
« Au parlement europĂ©en nous seront des lanceurs d’alertes. On ne laissera rien passer. On fera du parlement europĂ©en un instrument tribunitien »
Landry se trouve en vingt-huitième place sur la liste « Maintenant le peuple » de la France Insoumise portée par Manon Aubry. « Ma place à la vingt-huitième n’est pas insignifiante. On est plusieurs des quartiers populaires à être présent sur cette liste. Leila Chaibi qui a milité un bon nombre d’années sur le logement insalubre est bien placée et c’est bon signe. La France insoumise a compris qu’il fallait accorder aux quartiers populaires une place digne de ce nom et que les banlieues faisaient partie intégrante de la vie politique française. Au-delà de l’île de France, il y a Sébastien Delogu de Marseille ou encore Rhany Slimane du coté de Montpellier qui sont présents sur la liste ».
S’ils siègent au parlement européen, Landry accompagné de ses colistiers seront des « députés de combat ». Landry annonce la couleur. « Au parlement européen nous seront des lanceurs d’alertes. On ne laissera rien passer. Il faut que les gens aient conscience que les décisions prises par la commission européenne impactent leur quotidien en France. Si on a aussi peu de moyen en banlieue c’est en partie à cause du fameux trois pourcent de déficit qu’on a pas le droit de dépasser. On fera du parlement européen un instrument tribunitien ».
Landry s’enorgueillit du rôle du député européen, Younous Omarjee, seul député France Insoumise siégeant au parlement européen. « A lui tout seul il a réussi à mobiliser du monde autour de la pêche électrique et la commission européenne a fini par reculer. Si on a vingt voire trente Younous Omarjee dans l’hémicycle, on pourra faire de grandes choses ».
Alors que le scrutin se tiendra en mai prochain, le jeune candidat, tête sur les épaules conclut. « C’est ma première campagne politique, j’ai beaucoup à apprendre et j’apprends déjà beaucoup » avant de rebondir,
« J’ai envie d’y être pour dire après aux potes, regardez les gars je l’ai fait ! Vous aussi vous pouvez le faire ».